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Fédération d'Indre et Loire de la Libre Pensée

UN ÉVÈNEMENT POLITIQUE MAJEUR : LA MARCHE VERS LA SÉPARATION DE 1905. UN CHASSÉ-CROISÉ AMOUREUX À UN SIÈCLE DE DISTANCE

5 Février 2021, 10:16am

Publié par Fédération de la Libre Pensée d'Indre et Loire

Aux Editions de la Libre Pensée
UN ÉVÈNEMENT POLITIQUE MAJEUR : LA MARCHE VERS LA SÉPARATION DE 1905.
UN CHASSÉ-CROISÉ AMOUREUX À UN SIÈCLE DE DISTANCE

Cette double intrigue, historique et actuelle, entrecroise l’histoire, authentique, de la rencontre entre Émile Combes (le pourfendeur des congrégations) et la princesse Jeanne Bibesco (prieure d’un carmel) et celle, imaginée, de Mag (directeur d’un établissement de recherche) et Carla (DRH).

Le choc des âges, des origines sociales, des cultures, les contraintes et les ivresses du pouvoir se conjuguent avec une question très contemporaine : hommes et femmes peuvent-ils se comprendre, s’aimer, malgré la structure séculaire de la domination virile ?

D’abord mâles conquérants, Émile et Mag font l’expérience amère d’une masculinité fragile, menacée, avant de découvrir que seule une femme libre peut rendre un homme vivant et heureux. Conte de fée moderne pour adultes ?

D’abord édité en 2005, dans une version partielle, centrée sur « Émile Combes et la princesse carmélite », ce roman est publié ici dans sa version intégrale inédite.

Postface de Christian Eyschen :

Je remercie vivement Jean Baubérot de m’avoir demandé de faire la postface de son roman. Car c’est d’abord un roman, la rencontre dans le temps et dans l’espace de deux amours. Possibles ou impossibles, chacun restera juge pour Émile et Jeanne. Et la part du mystère ne donne que plus d’intensité à la trame du récit.

Mais c’est aussi un roman historique, où les histoires se terminent quand commence l’Histoire. J’ai toujours aimé ce que l’on pourrait appeler les romans « ésotériques » où le présent se mêle au passé qui projette l’avenir avec des récits croisés de destinées qui finissent par se rejoindre pour donner une lecture possible du monde. S’il n’est pas ésotérique, pour autant ce roman fonctionne de la même manière.

Mais c’est aussi une histoire qui humanise ce qui a pu être diabolisé par certains à travers l’Histoire. Le roman donne une chair et un esprit à des êtres qui agissent et qui ont des sentiments.

Ce récit montre encore bien d’autres choses. Il y a d’abord une lecture très honnête sur le Petit Père Combes qui ne voulait pas de la Séparation des Églises et de l’État. Son point de vue était le maintien d’un Concordat, car « qui paie commande » et il voulait que la République commande à l’Église. Toute son action fut de mettre en œuvre pleinement le Concordat par son application stricte.

C’est encore l’attitude du Vatican et de l’Église catholique qui l’amena à changer de position et à prononcer son fameux discours d’Auxerre. C’est le dogme au-dessus des hommes, marqués par les incidents de la visite du Président Loubet à Rome, qui fit que « trop, c’était trop » et a entrainé la rupture des relations diplomatiques entre la France et le « Saint-Siège ». Ce qui ne pouvait que déboucher sur la Séparation. La Rupture des relations diplomatiques fut votée le 30 juillet 1904 par 480 voix contre 90.

Dès lors, la République devait se séparer ou se soumettre. Elle fit le bon choix de la Séparation. Le projet de Séparation d’Émile Combe était un projet autoritaire. Il visait à paralyser l’Église par la menace permanente de ne pas renouveler l’affectation des bâtiments consacrés et d’en offrir certains aux services publics. Son projet visait aussi à empêcher toute constitution nationale du clergé.

L’ironie de l’Histoire est qu’il y parvint quand même. La plus grande crainte du Vatican était de voir émerger une Église gallicane. C’est pourquoi, si la loi de 1907 permit des « accommodements raisonnables » pour les associations cultuelles paroissiales, il fallut attendre 1924 pour voir la reprise des relations diplomatiques par un troc honteux sur les diocésaines, pour que la Curie romaine se fasse à la Séparation.

Récemment la Libre Pensée, se penchant sur les tentatives de modifications-révisions de la loi de 1905 par le gouvernement, a découvert avec surprise et effarement que ce qu’on appelle les « cultuelles diocésaines » n’avaient aucun pouvoir en matière cultuelle. Ceci étant l’apanage de l’Évêque qui seul « est responsable de l’organisation du service divin », selon les documents mêmes du Vatican. En clair, les « associations cultuelles diocésaines » font tout, sauf gérer le culte. Ce sont des associations cultuelles du Troisième-type, associations cultuelles sans culte. Dès 1924, la « Gauche » trahissait la loi de 1905 par cette capitulation déraisonnable.

Mais le résultat inattendu de la crainte du Vatican est qu’il n’existe toujours pas aujourd’hui d’association qui s’appellerait « Église catholique de France ». L’ultramontanisme est encore terrorisé par le gallicanisme. Le clergé doit être tenu en laisse en permanence. Le clerc ne sera jamais un homme libre.

Par contre, la Libre Pensée ne cherchait, après avoir tant combattu la subordination de l’État par l’Église, que la Séparation ; pas l’aliénation de l’Église par l’État. C’est pourquoi, l’Association nationale des libres penseurs s‘opposa au projet d’Émile Combes qui était liberticide. La liberté est pour tous ou pour personne en démocratie.

Je remercie aussi vivement Jean Baubérot d’avoir accordé une grande place à la Libre Pensée et aux libres penseurs dans son roman historique. Il montre bien que la Libre Pensée n’était pas monolithique et qu’elle fut traversée par différents courants philosophiques et politiques qui marquent tant son originalité et sa place particulière dans le mouvement laïque.

Jean Jaurès n’est pas Ferdinand Buisson qui, lui-même, est très éloigné de Maurice Allard qui était un totalitaire aux petits pieds et que dire de Georges Clémenceau qui était un autoritaire sans limite. Son passage au ministère de l’Intérieur, puis son rôle pendant la Première guerre le montrera allégrement. Jaurès fut assez près d’Aristide Briand pour, qu’unissant leurs efforts, ils triomphent par une loi de liberté.

Quand Jaurès tonne : « La France est révolutionnaire, elle n’est pas schismatique » en soutenant l’Article 4 de la loi de 1905 qui, une fois adopté, lui fit dire : « La Séparation est faite », il s’oppose ouvertement à Émile Combes, Maurice Allard et Georges Clémenceau. Et il avait raison.

Nul doute que dans l’esprit du Grand Tribun, il fallait appliquer les dispositions de la loi de 1884 sur la liberté syndicale qui permettait aux syndicats ouvriers de s’organiser librement, selon leur entendement. De même, ce principe de liberté est le moteur de la loi de 1901 qui permet aux associations de s’organiser comme elles l’entendent. Dès lors, pourquoi imposer un modèle d’exception à l’Église ?

Les conceptions de Clémenceau qui traitât alors Jaurès de « socialiste papelin », de Combes, d’Allard n’étaient pas démocratiques, mais totalitaires. Et c’est Jaurès qui gagna.

L’affaire des Fiches renversait le gouvernement Combes et ouvrait la voie à la Séparation qui fut ainsi formulée par Aristide Briand « Que voulez-vous faire ? Voulez-vous une loi de large neutralité, susceptible d’assurer la pacification des esprits et de donner à la République, en même temps que la liberté de ses mouvements, une force plus grande ? Si oui, faites que cette loi soit franche, loyale et honnête… »

Le grand mérite aussi du roman de Jean Baubérot est de montrer les diverses conceptions en présence sur la laïcité. Il a publié, il n’y a guère longtemps, un ouvrage intitulé « Les sept laïcités françaises: Le modèle français de laïcité n’existe pas ». Celui-ci provoqua l’ire des dogmatiques sectaires qui professèrent, chacun à leur tour : « Il n’y a qu’une seule laïcité ! » La leur, bien sûr !

La profonde originalité de la loi de 1905 est qu’elle parachève l’œuvre de la Révolution française, et elle fut, en même temps, très libérale et aussi très destructrice  de l’emprise religieuse. La Révolution française a eu lieu sous cette forme (et c’est là, la seule « exception française », la forme et non le fond), parce que la France n’a pas suivi son chemin naturel : devenir protestante. Et il fallut aux révolutionnaires frapper plus fort et plus loin avec le Marteau de Thor pour faire reculer l’Église.

En se plongeant dans l’Histoire, on voit combien la Séparation des Églises et de l’État a profondément modifié la question religieuse dans ce pays. Elle a porté un coup décisif contre le cléricalisme, qui ne peut exister sans les clercs, qu’ils fussent religieux, politiques ou économiques.

Pierre Kropotkine dans son ouvrage fondamental la Grande Révolution rappelle qu’il y avait sous l’Ancien-Régime, un clergé de 120 000 « âmes », dont 50 000 curés et vicaires (dit du bas clergé), 40 000 nonnes, 25 000 moines, 20 archevêques et 100 évêques. Et ce, pour une population de 28 millions de personnes, soit 0,42% des habitants.

Le Concordat bonapartiste, qui faisait des religieux, des fonctionnaires et des religions, des services publics, comptait un clergé (régulier et séculier) de 220 000 « âmes » pour une population de 36 millions de personnes, soit 0,60% des habitants.

En 1970 (source : la Conférence des Évêques de France), il y avait 40 000 prêtres ; en 2005 : 16 075 ; en 2015 : 11 908 et 25 000 religieuses soit 0,05% de la population. Dans le même temps, un sondage Gallup en 2012 indique que 63% des Français se déclarent athées ou sans religion.

Ceci est la conséquence directe de la Séparation des Églises et de l’État de 1905. Comme quoi, une loi libérale (au bon sens du terme) vaut mieux pour la liberté de conscience et la sécularisation des sociétés que tous les systèmes autoritaires et répressifs.

Aux détracteurs de Jean Baubérot sur sa formule des sept laïcités, nous disons : expliquez-nous pourquoi les États-Unis sont un pays dont les institutions sont authentiquement laïques, mais dont la population n’est plus sécularisée (quoiqu’elle tende à le redevenir comme ce fut le cas au XIXe siècle) ? Pourquoi les Pays-Bas sont une monarchie cléricale, mais dont la population est profondément sécularisée ? Pourquoi la France est à la fois dotée d’institutions profondément laïques et où la société est aussi profondément sécularisée ? C’est bien qu’il y a plusieurs acceptions à la définition de la laïcité. Et oui : « Et pourtant, elle tourne. »

Autre est le problème de l’influence politique du clergé catholique et des milliards de fonds publics qu’il perçoit chaque année en violation ouverte de la loi de 1905. Boileau disait en son temps : « C’est la lâcheté des hommes qui fait la force des prêtres », et c’est encore plus vrai quand il s’agit des hommes politiques qui veulent acheter les « voix catholiques » en capitulant devant l’Église.

J’espère vivement que la lecture du roman de Jean Baubérot permettra aux lecteurs de réfléchir à tout cela et de prendre autant de plaisir que j’en ai eu à le lire.

Christian Eyschen, Secrétaire général de la Libre Pensée

Président honoraire de l’École Pratique des Hautes Études (PSL), fondateur du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (CNRS-EPHE), Jean Baubérot a publié plus de 30 ouvrages.

Le 1er tome de sa trilogie : La loi de 1905 n’aura pas lieu. Histoire politique des Séparations des Églises et de l’État (1902-1908) est paru en 2019.

Prix du livre = 12€ + 5,91€ de frais de port. A commander à la librairie de la Libre Pensée 10/2 rue des Fossés Saint-Jacques 75005 Paris. Chèque à l’ordre de : Libre Pensée