Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Fédération d'Indre et Loire de la Libre Pensée

Congrès de Voiron 2021 : Résolution Droit et laïcité

3 Septembre 2021, 10:45am

Publié par Fédération de la Libre Pensée d'Indre et Loire

Congrès de Voiron 2021 : Résolution Droit et laïcité
RÉSOLUTION DROIT ET LAÏCITÉ

Réuni à Voiron (Isère), du 24 au 27 août 2021 ;

Convaincu comme Montesquieu que « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » ;

Le congrès de la Fédération nationale de la Libre Pensée,

Considérant ce qui suit :

Au motif que devraient prévaloir sur le principe de liberté les impératifs de la lutte contre la délinquance, le terrorisme, la pandémie, la Cinquième République bonapartiste ouvre peu à peu la voie à l’instauration d’un État autoritaire. En particulier, dans les années récentes, non seulement elle a introduit dans le droit commun la législation d’exception de l’état d’urgence mais elle remet en cause des libertés et droits fondamentaux consubstantiels à la République et à la démocratie elles-mêmes. Prompte à succomber aux sirènes de l’émotion, elle s’apprête aussi à porter atteinte à des garanties essentielles pour l’individu dans un pays civilisé, alors que demeurent par ailleurs sans réparation satisfaisante les préjudices subis par certaines catégories de victimes.

La Cinquième République tient la bride serrée sur le cou de la loi

Si la loi est le support de la liberté pour les tenants de la tradition issue de la Révolution française, en revanche, la Cinquième République la relègue dans un espace fortement contraint.

Les déclarations révolutionnaires mettent la loi au service de la liberté

La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 met la loi au service de la liberté, conformément à son article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. » Celle-ci n’interdit que « les actions nuisibles à la société. » Aux termes des articles 5 et 6, elle « est l’expression de la volonté générale » du peuple souverain composé des citoyens qui concourent « personnellement ou par leurs représentants » à sa formation. Enfin, « Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. »

La déclaration figurant en préambule de la Constitution du 24 juin 1793 précise et renforce les principes énoncés dans celle du 26 août 1789. En particulier, son article 7 fixe les domaines dans lesquels la loi ne saurait édicter d’interdictions : « Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. La nécessité d’énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme. » Elle dispose au contraire, en son article 9, que « La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent », à défaut de quoi devient légitime, selon son article 33 « La résistance à l’oppression [qui] est la conséquence des autres droits de l’Homme. »

La Cinquième République encadre la loi au bénéfice du Pouvoir exécutif

À rebours de la tradition révolutionnaire, la Cinquième République limite le rôle de la loi comme instrument au service de la liberté. D’inspiration fondamentalement bonapartiste, la Constitution du 4 octobre 1958 accorde la prééminence au pouvoir exécutif, dyarchique et déséquilibré : si « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » selon l’article 20, dans les faits celle-ci procède entièrement du Président de la République élu au suffrage universel direct depuis 1965. Chef des armées, ce dernier dispose, au surplus, de pouvoirs très étendus : en particulier, en application de l’article 11 qui instaure une logique plébiscitaire, certes sur proposition du Gouvernement ou des deux assemblées, il peut soumettre directement au peuple par référendum des projets de loi ayant trait à l’organisation des pouvoirs publics, aux questions économiques, sociales et environnementales ou à la ratification de traités, voire, en violation de la Constitution, à la révision de celle-ci, comme en octobre 1962 aux fins d’introduire l’élection au suffrage universel direct du Président de la République. Sur le fondement de l’article 16, en cas de crise, il peut aussi exercer des pouvoirs exceptionnels, une sorte de dictature au sens romain que Charles de Gaulle a exercée du 23 avril au 29 septembre 1961 à la suite du putsch des généraux d’Alger. Instauré en 2002, conforté par la tenue d’élections législatives organisées dans la foulée de celle du président de la République selon un scrutin de liste uninominal à deux tours déformant gravement la diversité des opinions des citoyens, le quinquennat accentue la concentration du pouvoir au sommet de l’État.

En troisième position dans l’ordre de présentation des pouvoirs publics par le constituant de 1958, le Parlement bicamériste joue un rôle secondaire bien que le régime soit formellement parlementaire. Le domaine de la loi est précisément borné par l’article 34 de la Constitution tandis que le Gouvernement détient un très vaste pouvoir réglementaire et peut même, par délégation de l’Assemblée nationale et du Sénat, légiférer par ordonnance en application de l’article 38. Jacques Chirac en publie 280 environ en douze ans, Nicolas Sarkozy près de 170 en cinq ans, François Hollande 270 en cinq ans et Emmanuel Macron plus de 180 de mai 2017 à octobre 2020, notamment celles de septembre 2017 modifiant profondément le code du travail.

Sur le fondement de l’article 49 alinéa 2, les députés peuvent mettre en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure mais les conditions à réunir garantissent une sorte d’immunité politique au pouvoir exécutif. Sur les cinquante-huit déposées depuis 1959, une seule a entraîné la démission du Gouvernement, celle du 5 octobre 1962. Conformément à l’article 49 alinéa 3, notamment lorsque la majorité manifeste des signes de faiblesse ou de division, le pouvoir exécutif peut faire adopter sans vote un texte par l’Assemblée nationale, sauf si une motion de censure recueille la majorité des suffrages des députés. Sur quatre-vingt-neuf motions de censure dirigées contre cinquante-et-un texte, aucune n’a abouti à la démission d’un gouvernement depuis 1959.

Aujourd’hui plus que jamais à bout de souffle à la suite de l’effondrement des partis traditionnels qui l’ont portée depuis 1958, la Cinquième République est aux mains d’une sorte de Société du Dix-Décembre sans ancrage dans le pays. Le mépris de la souveraineté populaire n’a peut-être jamais atteint un degré aussi élevé. La loi ne permet plus la conquête de nouveaux droits tels que la liberté de la recherche sur l’embryon humain et la légalisation du recours à la gestation pour autrui ou de l’aide médicale à mourir, que le Gouvernement, aidé par les règles de fonctionnement de l’Assemblée nationale, a réussi à empêcher de prospérer en avril 2021. Elle n’est plus, en effet, au service de la liberté mais de la répression.

***

La remise en cause des libertés et droits fondamentaux

Par essence la Cinquième République accepte les libertés et les garanties auxquelles tout individu a droit tant que leur usage et leur protection ne l’empêchent pas de mener, sous la surveillance discrète mais efficace des dogmes, sa politique au profit des milieux du capital avec lesquels elle entretient des relations organiques, au travers notamment de l’étroite imbrication d’une partie de la haute fonction publique, du monde de l’économie et de la finance et des officines politiques en tous genres.
La loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes du 2 février 1981, largement mais pas totalement abrogée en 1983, s’en prend gravement aux libertés individuelles. Celle du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité introduit la comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité qui renforce les pouvoirs du parquet et réduit les garanties des justiciables en matière correctionnelle. Les lois d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure des 29 août 2002 et 14 mars 2011 marquent un tournant : la première place la police et la gendarmerie sous la seule autorité du ministre de l’Intérieur et fusionne les fichiers de l’une (système de traitement des infractions constatées) et de l’autre (système judiciaire de documentation et d’exploitation) ; la seconde facilite l’essor de la vidéo-protection et légalise de nouveaux fichiers de police (fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles et violentes, fichier national des empreintes génétiques).

L’horizon jamais atteint de la sécurité globale

Dès mai 2017, sans préjudice de l’état d’urgence sanitaire qui atteint gravement les libertés publiques (droit de manifestation et de rassemblement suspendu) et individuelles (liberté d’aller et de venir entravée) depuis mars 2020, la logique sécuritaire s’est nettement accentuée alors que le rôle du Parlement s’est trouvé encore amoindri dans les faits.

Mise en œuvre sans discontinuer pendant vingt-trois mois après les attentats terroristes du 13 novembre 2015, alors même que n’était pas réunie pendant une grande partie de cette période la condition de « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou « d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. », la loi d’exception du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence s’est trouvée incorporée dans le droit commun par celle du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Désormais, le préfet peut instaurer « un périmètre de sécurité au sein duquel l’accès et la circulation des personnes sont réglementés. » « Aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme », il peut aussi fermer des lieux de culte « dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes. »

Au motif notamment qu’ « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics », une personne sur laquelle ne pèse aucune charge, peut se voir imposer par l’administration des « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » (MICAS) qui limitent sa liberté d’aller et de venir et la contraignent, d’une part, à se présenter périodiquement aux autorités de police ou de gendarmerie, d’autre part, à déclarer à ces dernières son lieu d’habitation ou le changement de son domicile. Enfin, elle rend possibles des « visites domiciliaires » en cas de « menace d’une particulière gravité ».

En dépit de ces mesures d’exception devenues permanentes, un nouveau projet de loi antiterroriste adopté par le Conseil des ministres du 28 avril 2021 vise à autoriser ces visites domiciliaires en cas simplement de « menaces graves », à porter à deux ans la période de surveillance à laquelle sont soumises les personnes libérées à la suite d’une condamnation pour terrorisme à une peine de cinq ans de prison ferme ou de trois ans en cas de récidive, à interdire l’accès de certains lieux aux individus déjà contraints de résider à l’intérieur d’un périmètre de sécurité et à rendre définitive la technique, jusqu’ici expérimentale, d’espionnage des consultations des sites Internet au moyen d’un algorithme.

Ce projet de texte constitue une nouvelle étape de la frénésie sécuritaire qui s’est emparée du Gouvernement et dont la pertinence est démentie par le nombre d’attentats terroristes perpétrés depuis le 6 juin 2017 : dix-sept soit une moyenne supérieure à quatre par an. Au regard du nombre total de tentatives enregistrées, cela représente une proportion d’un tiers d’attentats menés à terme pour deux tiers d’opérations ayant échoué.

En réalité, la lutte contre le terrorisme – qui nécessite avant tout d’en finir avec les politiques néocoloniales comme avec les accords permanents avec les théocraties autoritaires -et, depuis mars 2020, la protection sanitaire de la population – qui requiert un accroissement des moyens d’hospitalisation (matériel adapté, traitements adaptés, recherche médicale, formation de personnels médicaux et paramédicaux en nombre, création de nouveaux hôpitaux, etc.) -, servent à justifier le recours à la loi voire au règlement, non pour garantir la liberté mais afin de permettre une répression accrue.

Les décrets du 2 décembre 2020 modifiant les articles R. 236-1 à R. 236-19 du Code de la sécurité intérieure étendent à la lutte antiterroriste le champ des traitements automatisés de données à caractère personnel moissonnées au cours des enquêtes administratives, menées initialement uniquement en matière de sécurité publique ou en vue de la prévention des atteintes à celle-ci. Ils autorisent la police à recueillir, conserver pendant cinq ou dix ans et traiter des informations personnelles concernant notamment les « opinions politiques, les convictions philosophiques, religieuses ou l’appartenance syndicale » des citoyens, voire des mineurs de treize à dix-sept ans.

La loi sur la sécurité globale votée le 15 avril 2021 vise, quant à elle, à instaurer un continuum de sécurité : les officines de sécurité privée sont par exemple fondées à dresser des procès-verbaux constatant des contraventions commises dans les immeubles d’habitation qu’elles sont chargées de surveiller ou de garder. Des policiers municipaux peuvent exercer des missions de police judiciaire, ce que le Conseil constitutionnel avait interdit dans le passé ; l’administration policière peut utiliser des images captées par des caméras embarquées sur des drones dans des conditions que le législateur laisse le soin au Gouvernement de déterminer par voie réglementaire. Des caméras peuvent également être embarquées sur tous les moyens de transport des forces de l’ordre ; enfin, l’article 24 de la loi, réécrit après la levée de boucliers que sa version initiale a suscitée, prévoit la correctionnalisation de « La provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification d’un agent de la police nationale ou d’un agent de la police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police », punie d’un emprisonnement de cinq ans et de 75 000 euros d’amende.

Bref, la surveillance de la population est encouragée tandis que les forces de l’ordre, pour réprimer en toute tranquillité, sont protégées des regards indiscrets, en dépit des témoignages mettant au jour les nombreuses bavures observées depuis 2016.

La rupture de l’équilibre fondamental instauré en 1901 et 1905

Emporté par son élan sécuritaire, l’actuel gouvernement remet en cause – outre le droit applicable aux étrangers ou celui des familles, datant de 1882, de dispenser à domicile, si elles le souhaitent, l’instruction obligatoire en faveur de leurs enfants – les deux grandes libertés fondamentales qu’a consacrées la République, dans le sillage de l’affaire Dreyfus : celles d’association et de conscience. Dans son discours prononcé aux Mureaux, le 2 octobre 2020, Emmanuel Macron avait indiqué en annonçant le projet de loi renforçant le respect des principes de la République que « La République c’est à la fois un ordre et une promesse. » À l’approche du terme de l’examen de ce texte, il serait plus juste de dire que la Cinquième République est bien plus une promesse d’ordre qu’une promesse de liberté.

La loi du 1er juillet 1901 reconnaît à tous le droit de s’associer librement. Après plus de quatre-vingt-dix ans de répression du délit de constitution d’association non autorisée par l’article 291 de l’ancien Code pénal napoléonien de 1810, elle renoue ainsi avec celle du 21 août 1790 qui accordait aux citoyens le droit de créer des « sociétés libres ». La loi renforçant le respect des principes de la République remet gravement en cause le principe de la liberté d’association, désormais internationalement reconnu par les articles 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe du 4 novembre 1950 et 22 du Pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.

D’une part, toute association sollicitant une subvention auprès d’une collectivité publique doit, pour obtenir satisfaction, souscrire un « contrat d’engagement républicain » dont le contenu est laissé à l’appréciation du pouvoir réglementaire, c’est-à-dire se soumettre à une idéologie d’État. D’autre part, le texte élargit considérablement, au détriment de l’autorité judiciaire garante des libertés individuelles, le pouvoir de dissolution administrative des associations, réservé jusqu’alors aux cas très spécifiques des groupements armés et de hooligans. Au surplus, les agissements regardés comme dangereux des membres d’une association suffisent désormais à justifier sa dissolution.

La loi du 9 décembre 1905 garantit la liberté de conscience dont le libre exercice des cultes est une composante. À cette fin, elle interdit la reconnaissance par l’État et le financement public de ces derniers. De façon à assurer la pleine effectivité de ces principes fondamentaux, notamment du second, elle confie à des associations cultuelles, constituées dans les conditions de droit commun prévues par la loi de 1901, le soin d’assurer l’exercice public du culte, le seul objet qu’elles sont fondées à poursuivre. En raison du refus de l’Église catholique d’appliquer la loi en 1906, le législateur a été contraint par un texte du 2 janvier 1907, dans un esprit de défense de la liberté, d’autoriser des associations relevant de la seule loi de 1901 à assurer l’exercice public du culte. En définitive, la secte romaine a accepté de constituer de fausses associations cultuelles, qui ont été reconnues comme telles en 1924.

Animé d’une logique néo-concordataire, le projet de loi renforçant le respect des principes de la République bouleverse l’équilibre institué en 1905 et 1907 avec trois objectifs : surveiller, contraindre et réprimer. En premier lieu, il viole le principe de non reconnaissance des cultes par l’État en ce qu’il permet à l’administration, lors de sa constitution puis tous les cinq ans, de se prononcer sur le caractère cultuel ou non d’une association se déclarant comme telle. En deuxième lieu, il dénature la spécificité des associations cultuelles en leur offrant la faculté, outre d’organiser l’exercice public du culte, de gérer un patrimoine immobilier libre de toute affectation religieuse, acquis gratuitement par donation ou legs.

En troisième lieu, il contraint les associations relevant des lois des 1er juillet 1901 et 2 janvier 1907 dont l’objet est partiellement cultuel, pour l’essentiel musulmanes, à se soumettre aux exigences spécifiques de la loi du 9 décembre 1905, sans néanmoins leur accorder les avantages correspondants. En quatrième lieu, il aggrave très fortement le régime des sanctions attachées aux infractions à la législation sur la police des cultes. D’une part, il facilite la fermeture administrative des lieux de culte et de leurs abords.

D’autre part, les contraventions prévues initialement en 1905 sont transformées en délits. Enfin, il réprime plus lourdement que ce que prévoit la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse le fait pour un ministre du culte de proférer des discours ou de diffuser des écrits à caractère séditieux dans un lieu de culte : sept ans d’emprisonnement au lieu de cinq et 75 000 euros d’amende au lieu de 45 000. En dernier lieu, il impose aux associations cultuelles de déclarer les aides financières de plus de 10 000 euros versées en leur faveur par des entités étrangères et permet à l’État de s’opposer à l’emploi des sommes en cause sans qu’il soit besoin pour ce dernier d’établir leur origine frauduleuse ou criminelle.

***

Des garanties fondamentales bousculées ou sur le point de l’être

Au moindre emballement de la presse censée représenter l’opinion, le Gouvernement est prompt à sortir l’arme de service de la loi de circonstance. À l’inverse, quand le droit applicable laisse démunies des catégories de victimes moins que d’autres placées sous la lumière des projecteurs, il joue le muet du sérail.

Faut-il juger les fous ?

Les articles 122-1 et 122-2 du Code pénal prévoient que, le premier, « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes », le second, « N’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister. » De surcroît, l’article 122-1 distingue l’abolition du discernement de sa simple altération : « La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. »

Sur le fondement de ces dispositions, au vu des conclusions conformes de six des sept experts psychiatres désignés, deux juges d’instruction transmettent à la chambre de l’instruction de la cour d’appel, au terme de leur enquête, la procédure d’information judiciaire ouverte, en 2017, contre un homme accusé d’homicide pour avoir frappé puis défenestré une femme, en proposant de déclarer l’auteur pénalement irresponsable, en raison de l’abolissement de son discernement au moment des faits, et en écartant le caractère présumé antisémite de son acte.

Sans se prononcer clairement sur ce deuxième point, la Chambre de l’instruction confirme les conclusions des deux juges d’instruction, assises sur dires d’experts. Dans un arrêt du 14 avril 2021, la Chambre criminelle de la Cour de cassation admet également que l’irresponsabilité pénale est acquise même si l’abolition du discernement du meurtrier au moment des faits peut résulter, en tout ou partie, de sa consommation habituelle et excessive de stupéfiants.
Bien que parfaitement conforme au droit applicable et en dépit du caractère multiséculaire du principe d’irresponsabilité pénale des personnes dont le discernement est aboli lorsqu’elles commettent un acte criminel, l’arrêt de la Cour de cassation soulève une vague d’indignation médiatique au motif que ce principe ne devrait pas être appliqué quand l’auteur a contribué par ses comportements antérieurs à cette abolition. En quelque sorte, serait acceptable, à rebours de toute l’expérience humaine, le jugement des personnes en état de démence au seul motif qu’elles l’auraient provoqué par leur attitude passée. Pour tout humaniste, une telle évolution est impensable.

Pour le Garde des Sceaux, elle mérite un examen et sans doute un texte tendant à modifier en ce sens le Code pénal. À cet égard, pour aller plus loin encore que l’ancien Président de la République, le gouvernement Macron-Castex-Dupont-Moretti place ses pas dans ceux de Nicolas Sarkozy qui a fait adopter la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale en cas de trouble mental aux termes de laquelle le juge d’instruction rend « […] une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui précise qu’il existe des charges suffisantes établissant que l’intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. »
Poussons ce raisonnement aberrant jusqu’au bout. Un fumeur, atteint d‘un cancer ne devrait pas être pris en charge par la Sécurité sociale et les hôpitaux, au motif qu’il savait très bien qu’en fumant, il engageait sa responsabilité et sa santé. En conséquence, il ne peut prétendre disposer des services de santé et de soins. Un automobiliste, qui n’aurait pas fait le nécessaire pour s’assurer en permanence que sa voiture n’a aucun problème, engagerait ainsi sa responsabilité en cas d’accident. Les assurances ne pourraient donc prendre en charge les frais occasionnés, car l’automobiliste est responsable de son véhicule.

Le délai de prescription du délit de non dénonciation d’agression sexuelle sur mineur

En février 2016, sur le fondement de l’article 434-3 du Code pénal, le cardinal Philippe Barbarin, primat des Gaules, est mis en cause pour le délit de non-dénonciation à la justice des abus sexuels, dont il avait eu connaissance, commis par le prêtre Bernard Preynat sur de nombreux mineurs de quinze ans. Il importe de préciser que le prélat ne pouvait se prévaloir du secret de la confession protégé par l’article 226-13 dans la mesure où cette connaissance avait été acquise en dehors de ce cadre particulier. Pour autant, dans un premier temps, le parquet classe l’affaire. C’est alors que plusieurs des victimes de Bernard Preynat se constituent parties civiles.
Le 7 mars 2019, le Tribunal correctionnel de Lyon condamne Philippe Barbarin à six mois de prison avec sursis. Par un arrêt du 30 janvier 2020, la cour d’appel de Lyon le relaxe au motif que l’obligation de dénoncer cesse lorsque les victimes atteignent leur majorité, à partir de laquelle s’ouvre pour elles une période de trente ans pour dénoncer les abus qu’elles ont endurés, et ce même si le délai de prescription de six ans applicable aux délits, en application de l’article 8 du Code de procédure pénale, court encore et reste opposable à l’auteur de la non-dénonciation.

Saisie par les parties civiles du seul volet de la réparation des dommages que celles-ci ont subis, la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 avril 2021, valide le raisonnement de la cour d’appel de Lyon. Si ce dernier revêt une certaine logique juridique, en revanche il laisse doublement dans la détresse ces victimes : la couverture des agissements de Bernard Preynat par le cardinal Philippe Barbarin reste impunie ; la réparation du dommage induit par l’inaction de celui qui devait dénoncer n’est pas prise en compte.

Probablement sans grande chance de succès, elles ne peuvent désormais s’adresser, pour obtenir la reconnaissance de leur souffrance et la réparation du défaut de dénonciation par Philippe Barbarin des crimes commis par Bernard Preynat, qu’à la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), installée par la Conférence des évêques de France (CEF) en 2018 et présidée par Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’État. Or, tout laisse à penser que l’Église se montrera peu généreuse envers ceux dont la vie est brisée, au motif qu’elle serait devenue pauvre. La Fédération nationale de la Libre Pensée va s’employer à démontrer qu’il n’en est rien. La secte romaine doit payer, elle paiera.

Sur cette affaire le monde politique demeure de marbre. Il faut dire que Gérard Colomb, longtemps proche d’Emmanuel Macron, et Laurent Wauquiez, un des chevau-légers de la droite dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, ont pris fait et cause pour Philippe Barbarin. Le Gouvernement reste donc l’arme au pied.

RÉAFFIRME

Qu’aucune mesure législative ou réglementaire ne peut engendrer de restrictions et de réserves en matière de liberté démocratique.

DÉCIDE

1°- De faire connaître à tous les candidats à l’élection présidentielle de 2022 le point de vue de la Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP) sur les institutions de la Cinquième République en tant qu’elles tournent le dos au principe selon lequel la loi est au service de la liberté ;
2°- De leur rappeler que « Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’Humanité, même à ses devoirs », comme l’affirme Jean-Jacques Rousseau dans le Contrat social ;
3°- De leur indiquer que ces institutions bloquent tous les progrès permettant aux individus d’exercer pleinement leur liberté de conscience, notamment la liberté de la recherche sur l’embryon humain, la gestation pour autrui ou l’aide médicale à mourir dont la FNLP demande la légalisation ;

EXIGE

1°- L’abrogation :
De la loi du 30 octobre 2017 sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ;
Des décrets du 2 décembre 2020 permettant notamment le recueil, la conservation et le traitement des données ayant trait aux opinions politiques, philosophiques, religieuses et syndicales des citoyens ;
De la loi du 15 avril 2021 de sécurité globale ;
De la loi du 24 août 2021 renforçant le respect des principes de la République ;
2°- L’abandon :
Du nouveau projet de loi antiterroriste ;
Du projet tendant à restreindre le champ de l’irresponsabilité pénale des personnes dont le discernement est aboli et l’abrogation de la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté et la déclaration d’irresponsabilité pénale en cas de trouble mental ;
3°- L’introduction :
D’une modification de l’article 8 du code de procédure pénale tendant à rendre impossible, en cas de délit de non-dénonciation d’abus sexuel sur mineur de quinze ans, l’expiration avant six années complètes du délai de prescription au motif que la victime atteint sa majorité ;

ARRÊTE

Le principe de réaliser et rendre publique une enquête aussi exhaustive que possible sur les richesses immobilières de l’Église qui doivent servir en priorité à l’indemnisation des victimes des abus sexuels commis par des prêtres.

Adoptée à l’unanimité moins 4 abstentions

TELECHARGEZ AU FORMAT PDF