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Fédération d'Indre et Loire de la Libre Pensée

La Flotte-en-Ré : un nouveau revers pour les partisans de la reconquête cléricale de l’espace public

12 Mars 2022, 18:20pm

Publié par Fédération de la Libre Pensée d'Indre et Loire

Comme Louis Aragon égrène, dans un célèbre poème du temps de l’Occupation, publié en 1944 dans La Diane française, les noms de villages de France - « Un peu de terre brune et blonde / Sur le trou noir de mon chagrin / J'emmène avec moi le refrain / De cent noms dits par tout le monde // Adieu Forléans Marimbault / Vollore-Ville Volmerange / Avize Avoine Vallerange / Ainval-Septoutre Mongibaud […] » -, la Libre Pensée, dans des circonstances moins dramatiques, avec infiniment moins de talent et plutôt dans l’allégresse, peut énumérer les décisions qu’elle a obtenues, directement ou indirectement, du juge administratif aux fins de sanctionner les violations de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État aux termes duquel, de manière à garantir la liberté de conscience des citoyens, « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions. » Désormais, elle fredonne le refrain des noms connus de beaucoup de monde : Montiers, Melun, Béziers, Auvergne-Rhône-Alpes, Marseille, Publier, Ploërmel, Cogolin, Saint-Pierre d’Alvey, Plorec-sur-Arguenon, Les Sables d’Olonne et maintenant La Flotte-en-Ré.

 

Adieu, Vierges, croix, crèches, saints, archanges.

 

L’affaire est simple. En 1945, pour la remercier d’avoir prétendument gardé en vie un père et un fils durant la Seconde Guerre mondiale, une famille fait réaliser une statue de la Vierge, portant la mention « vœu de guerre », et la dresse dans un jardin privé à La Flotte-en-Ré. En 1983, elle cède cette représentation de Marie à la commune qui l’installe sur un emplacement public, en violation de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905. Le 17 mai 2020, un automobiliste endommage sérieusement la statue, si bien que la commune en commande une copie qu’elle érige au même endroit, le 20 décembre 2020. À la demande que lui présente le 28 janvier 2021 la Fédération de Charente-Maritime de la Libre Pensée de la déplacer, comme à l’origine, en un lieu privé, le Maire oppose une décision implicite de rejet, le 29 mars suivant.

 

Conformément à une jurisprudence désormais bien établie, le Tribunal administratif de Poitiers vient d’annuler cette décision par un jugement du 3 mars 2022, au motif que « […] l’édification de cette statue, qui constitue un symbole principalement religieux, sur un emplacement public autre que ceux prévus par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905, méconnaît [les] dispositions » de ce texte. Toutefois, compte tenu des circonstances de l’espèce, le juge de l’excès de pouvoir se prononce préalablement sur les conséquences à tirer éventuellement de la présence de la plaque portant la mention « vœu de guerre ».

 

Il considère que « Si la commune soutient que la statue n’a pas un caractère uniquement et totalement religieux, car elle comporte une plaque portant la mention « vœux de guerre », cette simple circonstance ne peut conduire à la regarder comme un monument funéraire ou commémoratif. »  Par conséquent, le Tribunal administratif de Poitiers, d’une part, applique strictement l’avis du Conseil d’État du 28 juillet 2017[1] qu’il avait consulté à titre préjudiciel dans une autre affaire, d’autre part, ne considère pas la statue litigieuse comme un monument aux morts sur lequel un signe religieux peut être apposé, selon un arrêt de la Haute Juridiction administrative du 4 juillet 1924[2].

 

La croisade menée pour saturer les emplacements et bâtiments publics de signes et emblèmes religieux se heurte, en violation de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et au mépris de la liberté absolue de conscience des individus que ce texte protège, à la détermination de la Libre Pensée et à la rigueur du juge qui, à la différence des dispositions de la loi du 24 août 2021, constituent les moyens les plus sûrs de conforter les principes de la République.  

 

La loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905 !

 

Paris, le 7 mars 2022

       

 

 

 

[1] CE, 27 juillet 2017, avis n° 408920.

[2] CE, 4 juillet 1924, Commune de Fouilloy