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Fédération d'Indre et Loire de la Libre Pensée

Nos cousins canadiens Le Barreau met en garde la ministre Biron au sujet de l’avortement

21 Juin 2023, 10:51am

Publié par Fédération de la Libre Pensée d'Indre et Loire

Photo: Michael Monnier Archives Le Devoir Le Barreau rappelle que le droit à l’avortement est reconnu par la législation québécoise et la législation canadienne.

Photo: Michael Monnier Archives Le Devoir Le Barreau rappelle que le droit à l’avortement est reconnu par la législation québécoise et la législation canadienne.

Correspondante parlementaire

En légiférant pour protéger le droit à l’avortement au Québec, la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, risque de faire plus de mal que de bien : elle pourrait « ouvrir la porte à d’éventuelles limitations à ce droit », avertit le Barreau du Québec.

« Les risques surpassent les bénéfices d’une loi ou d’un ajout législatif pour réaffirmer le droit à l’avortement », a écrit l’Ordre professionnel des avocats au Devoir, qui l’a interrogé sur la question. Ses mises en garde font écho à celle d’expertes des questions féministes.

En avril, la ministre responsable de la Condition féminine a annoncé son intention de légiférer pour « sacraliser » le droit à l’avortement au Québec. Selon nos informations, Mme Biron souhaite inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Au cours des dernières semaines, elle a entrepris une série de rencontres avec des juristes, des groupes de femmes et des organisations du milieu de la santé. Parmi eux, le Barreau du Québec.

 

 

Sollicité par Le Devoir, l’ordre professionnel a envoyé ses commentaires à propos du projet de Mme Biron. Il lève plusieurs drapeaux rouges.

« Toute nouvelle législation ou modification législative pour réaffirmer nommément le droit à l’avortement comporte des risques, dont le principal est d’ouvrir la porte à d’éventuelles limitations à ce droit », a écrit la porte-parole du Barreau, Martine Meilleur, dans un courriel.

« En effet, comme c’est le cas dans plusieurs juridictions ailleurs dans le monde, le droit à l’avortement, une fois inscrit dans une loi, pourrait être limité, par exemple, [au] premier trimestre de grossesse ou en appliquant des restrictions, conditions ou contraintes pour les avortements dits “tardifs” », a illustré Mme Meilleur.

Le Barreau a aussi rappelé que le droit à l’avortement est reconnu par la législation québécoise et la législation canadienne. « Ainsi, l’état actuel du droit protège adéquatement le droit des femmes de choisir l’avortement et il n’y a pas, contrairement à certaines croyances populaires, de “vide juridique » à ce sujet », a-t-il souligné.

La ministre se dit appuyée

 

En entrevue, la ministre a dit ne « pas être surprise » des commentaires du Barreau, dont elle a rencontré des représentants. « Je les ai entendus. Mais, aussi, il y a beaucoup de groupes qui n’ont aucune réserve », a-t-elle assuré. « Ils me disent : “go”, s’il vous plaît, protégez les droits des femmes et le droit de choisir des femmes. »

Mme Biron n’a pas voulu dire qui, des groupes de femmes ou des groupes dans les domaines du droit et de la santé, appuie son projet. « Pour l’instant, ça reste confidentiel parce que je n’ai pas fini mes rencontres », a-t-elle affirmé.

Elle a dit être « exactement à la même place que quand [elle a] commencé » ses démarches en avril. Mais elle a aussi assuré que sa décision n’était pas « finie », sans vouloir préciser les avenues qu’elle envisage. « Moi, mon objectif, c’est de protéger le droit des femmes », a-t-elle insisté.

L’an dernier, le premier ministre canadien avait lui aussi envisagé une offensive législative pour forcer les provinces à garantir l’accès à l’avortement. Justin Trudeau a fait face à de nombreuses critiques et n’a entrepris aucune démarche pour légiférer depuis.

Si ce n’est pas brisé…

Louise Langevin, professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval, et Véronique Pronovost, doctorante en sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), font partie des personnes avec qui la ministre Biron a discuté de ses intentions.

« Moi, j’attends toujours une réponse à savoir ce que ça va nous apporter, outre une question de principe et de symbolique. Personne n’est capable de répondre à cette question-là », a déclaré Mme Pronovost au Devoir.

Comme sa collègue de l’UQAM, Mme Langevin émet de sérieuses réserves quant au projet de la ministre Biron. « Comme disent les Anglais : pourquoi réparer si ce n’est pas brisé ? » demande-t-elle.

« Les droits des femmes, partout sur la planète, sont en régression, dit la professeure Langevin, à l’approche du premier anniversaire de l’invalidation du décret Roe v. Wade, cet arrêt historique de la Cour suprême des États-Unis qui a ouvert la voie à l’interdiction de l’avortement. « Si on ouvre le débat et qu’on se ramasse avec moins [de droits], vous imaginez ? [Vaut mieux privilégier] le principe de précaution », insiste l’experte du droit à l’autonomie procréative des femmes.

Véronique Pronovost soumet l’exemple récent d’un rassemblement chrétien jugé antiavortement, qui devait avoir lieu au Centre des congrès de Québec. L’annulation de cet événement par le gouvernement Legault lui a valu une mise en demeure du promoteur du « Rallye feu, foi et liberté ».

« Quand on vient politiser la question de l’avortement, quand on l’amène dans l’arène politique, ça devient un conflit », souligne-t-elle. Si ce conflit devait se transporter devant les tribunaux, les risques de dérive seraient réels, et ce, même dans la défaite, juge Mme Pronovost.

« Ce n’est pas tout de dire : “ah, ils ont perdu devant la Cour, donc ce n’est pas grave, il ne va rien se passer”. Non, non, attention : le mouvement a réussi à se mobiliser », dit celle qui observe un « fourmillement » du mouvement antiavortement depuis l’invalidation de Roe v. Wade.

Louise Langevin sert le même genre d’avertissement. « Ça fait 35 ans que je le dis : les droits des femmes, ce n’est jamais acquis. C’est comme si ce n’était pas des droits, mais plutôt des privilèges qu’on accorde et qu’on peut enlever quand ça nous tente », observe-t-elle. Dans le contexte, mieux vaut ne pas « réveiller l’ours qui dort », croit-elle.

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