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Fédération d'Indre et Loire de la Libre Pensée

La Raison N°688 février 2024

1 Février 2024, 10:58am

Publié par Fédération de la Libre Pensée d'Indre et Loire

La Raison N°688 février 2024

« Il était boulanger »

Les vieillards dont je fais désormais partie (comment est-ce arrivé ? Bah, il suffit de laisser le temps passer) se souviennent d’un ancien sketch de Fernand Raynaud : L’étranger. Le thème était celui-ci : « les étrangers viennent manger le pain des français », se plaignait un bon français. Lassé des lazzis, l’étranger s’en va, il quitte le village. Depuis, conclut Raynaud (Fernand), « on n’a plus de pain… Il était boulanger ».

Ce sketch m’est revenu en mémoire à la lecture de la rubrique « Faits d’hiver » sous la plume de Jean-Marc Raynaud et intitulé « Immigration : OUI…merci ». Elle nous annonce la préparation par notre gouvernement d’une nouvelle loi sur, ou plutôt contre, l’immigration. Depuis la rédaction de notre ami Jean-Marc, c’est fait. Ils l’ont fait !

Comment l’ont-ils fait ? Dans la honte absolue et toute honte bue. Repoussée d’abord par une motion de rejet préalable majoritaire à l’Assemblée, elle a été adoptée par une majorité de droite et d’extrême-droite fracturant une part du parti présidentiel après une parodie de Commission Mixte Paritaire où le gouvernement Macron-Borne a donné des gages à l’extrême-droite du Rassemblement National et de Les Républicains pour obtenir leur vote. Ils l’ont obtenu : Ils ont repris les articles les plus durs du texte sénatorial, accentuant les conditions de séjour exigées pour les Immigrés.

Le droit des immigrés en France a été réformé dix-neuf fois entre 1996 et 2023, cent-dix-sept fois depuis 1945. La logique en a toujours été la même : expulser, réprimer, retirer des droits, limiter l’accès à la nationalité. Qu’est devenu le fier Article 120 de la Constitution de 1793 : « Le peuple français donne l’asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté et il le refuse aux tyrans » ?

Suppression de l’aide médicale d’État, fin de l’automaticité du droit du sol, régularisation pour les métiers en tension confiée à la seule discrétion des préfets, utilisation de la criminelle loi « Séparatisme » pour expulser ceux qui, même mineurs, « s’opposeraient aux principes de la République », aggravation de la double peine, autant de mesures propres à encourager haine et méfiance envers l’étranger. Encore ne s’agit-il pas de n’importe quel étranger, mais de ceux qui viennent d’ailleurs que de l’Union Européenne, surtout s’ils viennent d’une terre réputée islamique ou d’un état africain.

On est très au-delà de la lutte de simple police contre la délinquance ou contre le terrorisme. La loi est inspirée de la « préférence nationale » chère à Marine Le Pen et il n’est pas surprenant que son groupe l’ait voté. Marine Le Pen a pu ainsi revendiquer à bon droit une « victoire idéologique ». Victoire certes, mais victoire sur qui ?

Sur les Darmanin, Macron, Borne qui, depuis les Gilets jaunes jusqu’à la loi sur les retraites ont eu la répression pour toute réponse aux légitimes colères populaires ? Sur les Ciotti, Retailleau, Wauquiez, « républicains » d’extrême-droite ? Victoire de la radicalisation vers la droite-extrême du gouvernement failli d’une république faillie. Honneur aux députés de LFI et de la Nupes qui l’ont rejetée clairement, honneur aussi aux cinquante-neuf députés de la majorité qui ont refusé de suivre leur chef dans cette ignoble aventure (27 contre, 32 abstentions, 131 voix pour).

Pas une voix n’a manqué, ni chez « Les Républicains », ni au RN. La 5ème République finissante vire au brun, au moment même où le gouvernement confirme son soutien à l’écrasement inhumain de la population gazaouie en réclamant, du bout des lèvres, des couloirs humanitaires et en exprimant, bel euphémisme, « sa plus vive préoccupation » face au nombre de victimes civiles de l’opération militaire israélienne. Avec la plupart des forces démocratiques, sociales et philosophiques nous répétons : « Cessez-le feu immédiat ! »

Cette loi infâme sera-t-elle promulguée ? Des voix multiples s’élèvent pour qu’elle ne le soit pas. La décision est maintenant dans les mains de Macron. Le fera-t-il ? Nous n’avons guère de doutes qu’il ait l’intention de le faire. À la parution de ces lignes, nous saurons s’il l’a fait. Quant au Conseil Constitutionnel, nous avons déjà vu le film, ce sera la dernière séance : il validera l’essentiel et fera du spectacle sur quelques passages pour mieux faire passer le reste.

Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée

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